Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?

Responsabilité d'entreprise et éthique sont-elles solubles dans la mondialisation ?
Aux Editions de l'Aube

23 juillet 2012

La responsabilité sociale des entreprises est une question politique

Depuis le début de la grande crise en 2008, l’actualité est de plus en plus féconde en drames sociaux. Et on a encore sans doute rien vu (la Grèce, puis l’Espagne montrent le chemin de calvaire qui nous attend). Récemment, le dossier PSA et celui des centres d’appels téléphoniques sont venus illustrer la problématique des rapports de force à arbitrer entre ce que le jargon de la RSE (Responsabilité sociale des entreprises) appelle les « parties prenantes » de l’entreprise. Car une entreprise n’est qu’un nœud de conflits entre des forces aux intérêts naturellement divergents. Faut-il faire payer au consommateur ses appels au SAV et ainsi contribuer à maintenir l’emploi sur le territoire ou bien lui offrir la gratuité mais en contrepartie de délocalisations ? Le client contre le salarié. La question de l’arbitrage entre un accroissement du pouvoir d’achat de ceux qui ont la chance de travailler et la réduction du chômage de masse, plaie mortelle de nos sociétés, est un choix politique.


Comme toutes les entreprises capitalistes dans le système financier libéral, PSA pratique les plans sociaux boursiers. Seule son ampleur (sans compter l’impact catastrophique sur les milliers de sous-traitants) nous choque aujourd’hui. L’équation des parties prenantes en opposition est pourtant classique : les actionnaires (avec leurs dividendes qui empiètent notamment sur l’investissement, donc sur l’avenir) et les dirigeants (aux rémunérations extravagantes) contre les salariés et les fournisseurs (les PME sont tout simplement quasiment étranglées par les multinationales). Sans oublier le citoyen-contribuable qui a versé des milliards d’euros de subventions. La répartition de la valeur reste la question centrale de la RSE, comme au plan macro-économique celle de la redistribution équitable des richesses.

Le plus paradoxal est que PSA se défend en invoquant sa « citoyenneté » (cf. interview de Philippe Varin dans Le Monde du 18 juillet) : il aurait moins délocalisé que ses concurrents et en serait donc victime. C’est le fameux débat sur le « coût » du travail, alors que le travail, seule façon de créer de la richesse puis de la consommer, doit être vu comme un investissement.

Lorsque des entreprises comme les banques (système sanguin de l’économie) ou les constructeurs automobiles (compte-tenu de leur volume d’emplois) jouent un rôle vital pour la société, la question de leur statut juridique et de leur contrôle par l’Etat, seul garant du bien public, devient une question centrale de responsabilité sociétale.

Malheureusement, personne ne songe à ranger ces débats au chapitre de la RSE et encore moins sous le registre du développement durable. Tant les spécialistes de ces domaines restent confinés dans leur bulle, cantonnés à des faux sujets comme les beaux rapports de développement durable que personne ne lit ou le bilan carbone de PME dont le pays a fait le choix du nucléaire.

Soit la RSE continue de se regarder le nombril à côté des réalités, et elle restera marginalisée puis finira aux oubliettes des modes passées . Soit elle accepte le risque de se politiser et elle pourra alors éclairer les vrais sujets que sont la règlementation du libéralisme, la gouvernance et les rapports de pouvoir au sein des entreprises.

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